Dossier Gestes d’écriture
artpress 477-478 / mai-juin 2020
Les relations entre les mots et les images ne sont pas neuves, ni dans leurs manifestations ni dans leurs enjeux. Elles ont été abondamment commentées et analysées. D’aucuns ont déjà souligné les nouveaux points de rencontre des cheminements croisés de l’art et de la littérature. Ils ont pour nom « tentation littéraire de l’art contemporain », « littérature d’exposition » ou « littérature hors du livre ». Historiquement, ce qui ressortait de ce tropisme linguistique de l’art, c’était l’usage des mots et, par exemple dans l’œuvre de René Magritte, leur écart avec la chose ou l’image. L’ambition récente des artistes à se saisir de l’écriture semble ouvrir de nouvelles pistes sur lesquelles s’étaient déjà engagés, de manière isolée, un Henri Michaux ou, plus largement, les artistes brut. Mais ce qui point actuellement, et qui paraît renverser d’une certaine manière ces usages, c’est une tendance à privilégier le geste d’écriture plutôt que le mot écrit.
À travers des exemples d’œuvres contemporaines, ce dossier interroge les gestes manuels, techniques ou technologiques dans leur lien avec l’écriture et la question des savoir-faire, des outils numériques ou des pratiques archaïques. Après un texte général sur la « scription » propre aux nouvelles pratiques d’écriture des artistes, Magali Nachtergael analyse la manière dont les machines ont induit des gestes artistiques liés à un savoir-faire, la technologie modifiant l’image du geste créateur. Ensuite, Gaëlle Théval, en s’intéressant aux poètes sonores et aux artistes numériques, fait voir des pratiques d’écriture en performance qui invitent à réenvisager la notion même d’écriture. Enfin, Marjorie Micucci étudie la plasticité potentielle des objets scripturaux et littéraires de l’artiste Jean-Christophe Norman qui développe une « physique contemporaine de l’écriture ». SB